La Sainte Baume
Aujourd’hui 1er avril,
Bruno nous propose une randonnée à la
Montagne Sacrée, dans le Massif de la Sainte Baume. Nous visiterons la Sainte Grotte où vécut Marie-Madeleine. « Toute l’ascension du flanc s’effectue à l’ombre d’une forêt mystérieuse qui garde intacts ses secrets des temps immémoriaux ». Quant à la vue, elle sera
royale !
Mais ce matin, à l’aube, un violent orage éclate : tonnerre, éclairs, forte pluie avec même des grêlons. Quelques minutes seulement, mais cela suffit à nous inquiéter.
Bruno hésite, car il n’est pas prudent de gravir la Sainte Baume par
temps pluvieux ou par grand vent. Mais la météo nous promet des éclaircies dès ce matin, suivies d’un grand soleil. Nous décidons donc de partir.
Nous voici 18 randonneurs sur le parking proche de l’Hôtellerie de la Sainte Baume, à la sortie de Nans-les-Pins. Des nuages menaçants coiffent la montagne de la Sainte Baume. L’air est frisquet.
Bruno nous présente le parcours : « Il y a trois possibilités. Nous monterons jusqu’à l’esplanade de l’oratoire, puis ceux qui le souhaitent iront visiter
la grotte. Retour ensuite à l’esplanade. C’est là que les petites jambes nous quitteront. Quant à nous, nous grimperons sur la crête jusqu’au Signal des Béguines, à 1148 m ».
Nous pénétrons dans le parc de la Sainte Baume. Nous suivons un large chemin qui s’élève à travers la forêt. Une forêt magnifique aux essences variées :
hêtres, tilleuls, érables, ifs, merisiers, aulnes et houx. Le sentier est aménagé de larges marches qui facilitent le parcours des pèlerins. Les escaliers s’enchaînent à travers la forêt. L’air
est humide et frais. « Ca sent les champignons » s’exclame Yvette. Il ne manque qu’un peu de soleil pour qu’ils s
ortent de terre.
Nous progressons sous une haute futaie de hêtres plusieurs fois centenaires. « Vous verrez même des arbres millénaires » nous annonce Bruno. Dommage, il nous manque un rayon de soleil pour éclairer cette splendide forêt !
Nous parvenons à un palier appelé « Le Canapé ».
« C’est une plate-forme permettant aux promeneurs de se détendre et de méditer au cœur de ce site unique » nous dit Bruno. Mais pour
nous, pas de détente. Nous passons notre chemin. Et grimpons à présent au milieu d’un chaos de blocs éboulés. La pente est plus raide. Nous commençons à nous réchauffer un peu. Puis nous atteignons le carrefour de l’oratoire. « On est à 860 mètres » précise Bruno. Nous marquons une pause.
Bruno nous conte alors l’histoire de Marie-Madeleine :
« Terre sacrée depuis
l’aube des temps, la montagne de la Sainte Baume abrite une grotte riche de mythes. Des cultes païens y furent célébrés aux temps préhistoriques. Puis elle fut habitée par les
druides celtiques. Avant de devenir un lieu de pèlerinage en l’honneur de Marie-Madeleine, devenue la sainte patronne de Provence. La légende dit qu’elle séjourna dans cette
grotte pendant trente trois ans. Elle y vivait depuis déjà sept ans, lorsque Dieu lui demanda de formuler un voeu. Madeleine qui n'avait pas lavé ses mains depuis son arrivée dans
la montagne, demanda de l'eau. Une source jaillit aussitôt du sol de la grotte. Madeleine s'y frotta les mains et les vit redevenir belles et douces et s'écria : « O lei bellei
maneto ! » (Oh, les belles mains !). A ce cri, Dieu reconnut qu’elle n’était pas encore délivrée de ses anciens péchés et renouvela sa pénitence. La
malheureuse éclata en sanglots : ainsi naquirent le Latay, l’Issole, le Carami, le Cauron. Et surtout l’Huveaune qui refit en sens inverse le chemin que Madeleine avait
fait pour arriver à la Sainte Baume depuis la mer. Trente ans plus tard, peu avant sa mort, les anges enlevèrent Madeleine dans les airs et la déposèrent près de l’ermitage de Saint Maximin. Son
corps fut embaumé et placé dans un mausolée sur lequel sera édifiée plus tard la basilique royale de Saint Maximin ».
A présent nous montons à la chapelle. Tous sauf quelques-uns qui l’ayant déjà visitée, préfèrent nous attendre un peu plus haut, à la chapelle des Parisiens.
Nous suivons une large piste qui monte régulièrement au pied d’une
haute falaise. Nous découvrons sur notre droite, une très belle vue sur les collines du nord de la Provence. La vallée est éclairée de
ci de là par les rayons du soleil. Qui semble vouloir percer enfin. Nous atteignons le parvis de la grotte où trône une magnifique Pietà. Puis nous pénétrons dans la
grotte.
Vaste et très haute, elle est aménagée en église, avec différents
autels. Elle est ornée de sept vitraux, représentant les épisodes de la vie de la sainte. (Vitraux de Pierre Petit, dit Tourangeau-Disciple-de-la-lumière. Il a réalisé
cet ensemble à l’endroit où Maître Jacques, fondateur de l’Ordre d
es Compagnons du Devoir, s’était retiré).
La grotte abrite aussi une statue de la Vierge et une autre en marbre blanc, représentant l’Espérance. (C’est l’une des quatre pleureuses qui provenaient du tombeau du Comte de Valbelle. On prétend qu’elles eurent pour modèles quatre maîtresses de ce cher comte. L’une, la statue de Ste Monique, serait le portrait de la Clairon, comédienne plus connue sous le nom de Claire-Josèphe-Hippolyte-Leyris de Latude).
Nous ressortons de la grotte et profitons quelques instants d’un timide rayon de soleil. Puis nous écoutons religieusement la sainte parole de Frère Bruno. L’histoire qui se rattache à ce
sanctuaire est si riche que Bruno nous en parlerait pendant des heures. Revenons d’abord à Maître Jacques : « Maître Jacques fut ici même frappé par ses ennemis de cinq coups de poignard, évoquant les cinq
plaies du Christ. Depuis ce jour, la Sainte-Baume constitue l'étape finale du Tour de France des compagnons. Qui doivent effectuer, au moins une fois dans leur vie, un pèlerinage à la Sainte
Baume. « Nous verrons tout à l’heure l’oratoire des Trois Chênes
qui témoigne du passage des Compagnons du Devoir » nous dit Bruno.
Il nous apprend aussi qu’à l’origine la grotte était d’un accès très difficile. C’est vers l’an 400 que Cassien (le saint du lac) et ses compagnons creusèrent un sentier dans le rocher et un escalier dans la grotte.
Depuis ce temps les pèlerins n’ont pas cessé d’affluer pour honorer ce sanctuaire. Parmi les pèlerins les plus célèbres, retenons Louis IX (qui vint ici en remontant sur Paris), François 1er (qui offrit un portique pour matérialiser l’entrée de la grotte « Vous pourrez le voir en bas, à l’Hôtellerie » nous dit Bruno), Louis XIV qui s’arrêta ici, en compagnie d’Anne d’Autriche et de Mazarin, le 5 février 1660.
Et enfin, nous-mêmes en ce 1er avril 2010 !
Nous redescendons vers l’oratoire. S’adressant aux petites jambes, Bruno leur dit : « Vous allez suivre le chemin des Rois ». Jacqueline et Yvette en semblent particulièrement honorées.
Quant à nous, nous suivons la piste qui monte régulièrement par de grandes marches. Le ciel est à nouveau très couvert. L’air est frais. Et lorsque nous atteignons la Chapelle des Parisiens, nous y retrouvons nos amis, un peu congelés. Mais pour nous, c’est l’heure de la pause casse-croûte.
La chapelle des Parisiens, ou chapelle des morts, fut construite en 1629. Bruno nous montre la photo de la chapelle prise il y a quelques années. Quelle différence ! Car en 2007, la Municipalité du Plan d’Aups l’a fait entièrement rénover.
Mais le froid nous gagne. Nous repartons de plus belle. Après deux boucles, nous passons devant un oratoire qui représente Sainte Marie-Madeleine aux pieds du Christ. Puis nous
grimpons par une série de boucles plus serrées. Nous voici à présent au-dessus de la forêt. D’où nous avons « une belle vue sur le nord de la Provence et le Dauphiné ».
Du moins selon la feuille de route de Bruno, car nous voici à présent dans les nuages !
Nous poursuivons notre grimpette à flanc de montagne. Puis la brume s’épaissit. Une bise glaciale nous fouette. Nous avons tous enfilé nos anoraks. Les plus prévoyants ont sorti
leurs gants et leurs bonnets. C’est le printemps ! Mais en avril, il peut encore faire froid.
Bruno aurait pu nous raconter l’histoire des glacières. Aujourd’hui on
comprend aisément que les glacières de la Sainte-Baume ont pu alimenter Marseille en glace pendant plusieurs siècles. D’ailleurs, de la glace, en voici au creux des rochers. Ce
sont sans doute les restes de l’orage de grêle de ce matin. Nous progressons toujours dans la brume.
Soudain, dans la vallée, perce un rayon de soleil. Serait-ce une éclaircie ?
En tête de groupe, Bruno s’arrête. Il scrute sa carte et semble hésiter. A tous les coups il nous prépare une blague. N’oublions pas : nous sommes le 1er avril !
« Nous nous sommes trompés de chemin ! » La blague est un peu grosse. Mais Jean-Marie confirme : « Cela fait un kilomètre que nous nous sommes trompés. Mon GPS me l’avait dit ! ». Merci le GPS ! Merci Jean-Marie !
Nous n’avons pas d’autre solution que faire demi-tour. Deux kilomètres en plus, qu’à cela ne tienne ! Cette randonnée nous paraissait bien courte, avec ses 12,8 km.
Peu à peu le ciel se dégage, dévoilant un paysage magnifique. En fin de compte, grâce à ce petit détour, nous aurons pu profiter du paysage ! Nous voici au col du Saint Pilon (alt. 952 m). A l’est, voici le GR9 que nous avons manqué tout à l’heure. Le départ du sentier est pourtant bien balisé.
Nous poursuivons notre chemin sur la ligne de crête.
Nous progressons sur un plateau rocheux, à la végétation rase. De part et d’autre la vue est magnifique ! Et à présent le soleil l’emporte sur les
nuages. Mais le vent reste toujours soutenu et froid. Il n’est pas encore temps de se dévêtir.
Nous grimpons dans les cailloux et les rochers, au milieu d’une
garrigue clairsemée. Passant par des lieux aux noms pittoresques : le Bau des Oiseaux, le Faux Jouc
de l’Aigle, la Croix des Béguines, le Jouc de l’Aigle. Nous nous dirigeons à présent sur le versant sud, par de grandes dalles plates. Voici le
Bau du Régage et là-bas devant nous, le Signal des Béguines. C’est le point culminant de la rando, à 1148 mètres d’altitude.
Encore une dernière grimpette et nous atteignons le sommet. Une bise
fraîche continue à souffler. Nous franchissons quelques rochers. Et nous voici à l’abri du vent. Aussitôt l’évidence s’impose : il est midi passé. Nous ne pouvons pas rêver meilleur
emplacement pour pique-niquer. Nous nous adossons aux rochers, face à un paysage sans pareil : à gauche les îles d’Hyères : Port-Cros, Porquerolles. Devant nous la baie de Sanary et
Bandol. Et plus à droite, la côte en direction de Marseille. Sur l’autre versant, nous avons pu apercevoir la Montagne Ste
Victoire, splendide.
Nous savourons notre pique-nique, profitant de ce temps de repos bien
mérité. Et nous chauffant aux rayons du soleil, qui nous a bien manqué ce matin. Soudain, la fraîcheur nous gagne. Ce n’est rien, rien qu’un petit nuage qui passe.
Il fait très bon à l’abri du vent, mais hélas nous ne pouvons pas nous attarder.
Il nous reste encore près de trois heures de marche. Nous descendons
sur la crête et atteignons le Pas des Villecroze. « Ici, on quitte le GR9 » nous dit Bruno. Nous poursuivons la descente.
Voici à présent un balisage : le sentier oblique à gauche. Mais
Bruno hésite. Le passage lui semble un peu accidenté. Finalement nous descendons plus loin, à la recherche d’un passage plus sympathique. Après quelques minutes d’hésitation, nous croisons un
groupe de randonneurs qui nous confirme que l’on peut se faufiler entre les rochers. Notre groupe se scinde alors en deux. Au final, nous passerons tous à travers rochers et forêt. Nous nous rejoignons en bas. Quelques instants plus
tard, nous voici au pied d’un hêtre millénaire (circonférence de 6,50 m), dominé par la falaise.
A présent nous marchons en sous-bois, sur une piste en pente très douce. Puis le sol devient boueux. En essayant de contourner les immenses flaques de boue, nous nous
griffons aux ronces qui bordent le chemin.
Bientôt le terrain devient plus sec. Nous marchons à bonne allure. Mais qu’il nous paraît long ce chemin !
Nous voici enfin presque arrivés. Quand soudain Bruno siffle. Le groupe
s’arrête ; « Il nous reste à voir l’oratoire des Compagnons du Devoir ». Une joie intense se lit sur les visages.
Mais le devoir nous appelle. Et nous suivons Bruno jusqu’à l’oratoire des Trois Chênes. Où sont gravés sur le socle, des fers à cheval, témoignage du passage des Compagnons.
Après le Devoir, voici la Récompense ! Nous allons prendre un pot bien mérité. Car au total nous avons atteint un dénivelé de 940 mètres. Et une distance frisant les 16 km.
Nous avons bien pris l’air. Et le vent ! Le vent violent et glacé. Le vent de côté et le vent de face. Nous terminons un peu vannés. Heureux quand même de cette belle randonnée.
Merci Bruno pour cette très très belle randonnée dans le massif de la Sainte Baume.
Merci aux photographes : Jean , Jean-Marie , Gérard .
Encore quelques photos :
Arrivée à la chapelle
Dans la brume
Eclaircie
Retour en arrière
Sur la crête
Pique-nique
Descente sur la crête
Randonneurs
Randonneuses
