2020-11-26 - 2ème Confinement - L'ESTEREL ET SES SOMMETS
Le relief des montagnes s’explique, au moins en partie par leur histoire géologique. Même s’il est de faible altitude, le massif de l'Esterel est un massif montagneux et son histoire géologique explique ses particularités : sa couleur rouge orangé flamboyante, ses reliefs et ses ravins.
Avant l'Esterel : l'océan ?
L'histoire des continents et des océans à travers les temps géologiques, peut se résumer très succinctement à une succession de cycles de deux périodes :
1- rassemblement des blocs continentaux, puis collision entre eux pour former un supercontinent. Cette période, mettant en jeu des forces de compression, est à l'origine de la formation de dorsale montagneuse.
2- démembrement du supercontinent, dérive des plaques continentales et création de nouvelle plaque océanique. Cette période met en jeu des forces de décompression, de dilatation et s'accompagne d'un volcanisme important.
Ces mouvements de la croûte sont l’expression en surface de la convection du magma du manteau terrestre.
A la fin du Précambrien, vers -700 millions d'année, l'ensemble des plaques continentales étaient regroupées en un supercontinent, la Rodinia, qui s'étendait de 60° de latitude nord jusqu'au pôle sud. Les mouvements continentaux avant sa formation sont mal connus (on connait peu des 3,5 premiers millions d'années, mais certains parlent de l'existence de supercontinents antérieurs).
Après l'océan, un continent ?
Il y a 650 millions d'années, La Rodinia se scinde puis se disloque en plusieurs continents , plus ou moins gros (3 à 8 selon différentes thèses) qui dérivent jusqu'à un réassemblage (qui dure de -400 à -300 millions d'année) créant au Permien, un nouveau supercontinent, la Pangée avec la génèse des chaines acadienne, calédonienne puis hercynienne. C'est cette dernière qui concerne notre région.
Ces cycles vont se répéter, jusqu'à l'image "actuelle" de nos continents, dont la dérive est mesurée à quelques centimètres, voire 10 à 20, par an à certains endroits.
Enfin, l'Estérel ?
La formation de l'Estérel provient de phénomènes en relation avec la dislocation de la Pangée.
Au début (-290 millions d’années), apparaissent des failles de décompression verticales orientées N-S qui sont à l’origine d’effondrements (ex rift ou fossé du Reyran), puis des grandes cassures orientées E-O délimitant de nombreux petits bassins d’effondrement (ex celui de l’Avellan).
Puis ces failles s'ouvrent et des phénomènes volcaniques se mettent en place. Les laves vont recouvrir le vieux socle hercynien érodé. Des traces de ce dernier, essentiellement sous forme de gneiss, restent visibles localement : ils forment les massifs du Tanneron, des Maures et affleurent sur les sites de Malpasset et du lac de l’Avellan.
Le volcanisme de l'Esterel peut être caractérisé en trois phases.
Phase 1 : volcanisme effusif
Sous l’effet de forces d’étirement, l’ouverture des failles permet au filon de magma de remonter verticalement par les cheminées ainsi formées et de s’écouler en surface. Ce volcanisme effusif (dégazage du magma sans explosion de cendres dans l'air) est à l’origine des premières coulées de laves fluides et basiques ((B1(B comme basalte ; 1 comme 1ère coulée, la plus ancienne dans ce type de roche) - (D1 = dolorite, etc). Rapidement les laves évoluent vers des laves acides (A) et visqueuses (A1 = rhyolite, gris violacé).
Et c'est bien cette continuité de laves acides, phénomène rare, qui est caractéristique de l'Estérel. Les nombreux volcans présents sur le site (200 points d'émission de lave auraient été identifiés) ne prenant pas naissance en même temps, des coulées acides peuvent être émises au même moment que des coulées basiques.
Cette première phase, à l’origine du massif de l’Estérel va durer environ 40 millions d’années, les phases d’éruption s’intercalant avec des phases de repos, de fermeture des cheminées (extinction) et d’érosion du relief. Celle ci est à l’origine de dépôt de sédiments détritiques sur les coulées antérieures, pouvant être remaniés et inclus dans les coulées suivantes .
Phase 2 : volcanisme explosif
Cette deuxième grande phase apparait avec le dégazage des chambres magmatiques et est à l’origine des premières coulées ignimbritiques (pluies de feu) observées en rive gauche du Reyran, à la carrière Abel (coulée A2 rougeâtre) et à la formation des volcans du Mont Vinaigre ou de Maure Vieil : les gaz accumulés explosent en créant une cheminée centrale et le volcan évolue vers un type strombolien. Le gaz emprisonné dans le magma se libère brutalement et provoque un jaillissement de laves et de cendres : projection en altitude de panaches d’éléments plus ou moins grossiers et projections latérales sur le flanc du volcan. Les éruptions peuvent alterner phases explosives et phases effusives.
Certaines coulées sont très importantes : leurs volumes sont estimés à 60 km³ pour A7, 25 km³ pour A5 et 2,3 km³ pour A2. La rhyolite ignimbritique A7, rouge orangé, formant la plus grande partie des sommets, s’étend depuis le golfe de la Napoule jusqu’aux gorges de Pennafort, soit sur 30 km, remplissant totalement le fossé permien, avec des épaisseurs variant de 100 à 200 m.
L'extrémité des coulées donne des formes particulières aux sommets de l'Estérel Occidental, en forme de plateau, contrastant ainsi au profil dentelé de l'Estérel Oriental.
Phase 3 : volcanisme pyromidal
Durant la phase terminale le magma pâteux, pauvre en gaz, arrive en surface mais ne peut plus couler. Il forme un dôme de structure verreuse (pyroméride). C'est la dernière coulée (A11) du Mont Vinaigre et de Maure Vieil, datée de - 248 millions d’année.
A Maure Vieil, le réservoir de magma s’étant vidé, le dôme s’effondre presque totalement sous l’effet de son poids dans la cheminée, formant le chaudron ou la caldeira. Des parties périphériques du dôme restent en place au Sommet Pelet et au Rocher des Monges.
Au Mont Vinaigre, la cheminée ne s'est pas vidée et le dôme a simplement basculé sur son flanc.
Les filons d'estérellite (porphyre bleu) ne sont pas liés à la formation volcanique du massif : ils apparaissent beaucoup plus tard, à l’ère tertiaire, il y a environ 61 millions d’années : ce sont des intrusions de magma, qui n’atteindront pas la surface, sous forme d’une série de sills (filons avec intrusion horizontale entre deux strates horizontales) se répartissant de part et d’autre d’Aigue Bonne, puis d’une masse beaucoup plus importante alignée NO–SE, exploitée dans les carrières du Dramont et encore aujourd'hui aux Grands Caous.
L’ère Secondaire, (-251 millions d’années à -65,5 millions d’années), est celle des érosions, qui vont façonner les reliefs. Tel est le cas du Bonnet du Capelan, ancien petit volcan dont les flancs vont être dégagés, laissant ainsi apparaitre les roches magmatiques solidifiées dans la cheminée (neck volcanique).
Les ères Tertiaire et Quaternaire voient les Alpes se soulever et provoquer le basculement de l’Estérel vers la Méditerranée et donc le changement des écoulements des cours d’eau. Les paysages sont modifiés, les gorges et ravins sont creusés et les débris alimentent les piémonts du massif.
Aujourd'hui, les principaux sommets de l'Estérel Oriental s'alignent sur une courbe en fer à cheval.
Chaque crête, chaque piton présente une forme particulière. Celle-ci pouvant varier d'un versant à l'autre, quel défi pour les randonneurs de les reconnaître !
Les sommets Ouest
L'Aigre
Il apparait comme une petite colline qui s'élève doucement à 450m.
Le Mont Vinaigre
C'est le plus haut sommet de l'Estérel, facilement reconnaissable grâce à son sommet bifide; le sommet Est, avec sa plate forme et son antenne culmine à 614 m et le Sommet Ouest (612 m) est surmonté d’une tour de guet et d'une antenne. A proximité NO (569 m) une tour hertzienne a également été installée.
Mais auriez vous identifié son flanc NE, que nous a fait découvrir Anne-Marie ?
Les sommets du volcan de Maure Vieil
Marsaou et Suvières forment la périphérie du volcan et sont caractérisés par l'alignement de "murs" de magma (rhyolite ignimbritique, rouge, orange ou mauve) mis à jour par l'érosion (dykes).
Le Marsaou
S'élevant à 547 m, son érosion a rendu visible l'alignement des montées de magma, formant un dyke (phase effusive; coulée A7).
Les Suvières
Deuxième plus haut sommet de l'Estérel (559 m), il est de même nature que le Marsaou.
Le Mont Saint Martin
De forme asymétrique caractéristique, il culmine à 287m et cache dans la forêt les restes d'un oppidum. Les géologues caractérisent ses roches de la coulée A5.
Le sommet Pelet
S'élevant à 440, il est constitué par la rhyolite A11. Il est une partie non effondrée du dôme de Maure Vieil.
Cette même roche a également formé des petits édifices volcaniques indépendant les uns des autres, mais pouvant être dits contemporains (Mont Vinaigre, Collets Redon, la Louve, la Cabre ...).
Les Petites et les Grosses Grues
La Grosse Grue (440 m) est facilement identifiable avec son antenne et la Petite Grue (413 m) la côtoie. Les deux sommets sont constitués de rhyolite A7 et la coulée A5 affleure au flanc sud des Petites grues.
Les sommets côtiers
Ils forment le balcon de l'Estérel, surplombant la corniche d'Or, la renommée du massif.
Le pic de l'Ours
Structuré par deux failles E-O, le pic de l'Ours est un massif de rhyolite A7 qui s'élève à 488m et qui accueille un relais hertzien.
La Dent de l'Ours
La rhyolite (A5) émerge à 417m, avec sa forme bien identifiable.
Le pic d'Aurelle
Il domine la mer de 323 m et le Trayas
Le cap Roux
Dominant la mer à 454 m d'altitude, il offre un panorama à 360 ° filmé lors de la randonnée d'Alain en janvier dernier, et que vous pouvez redécouvrir avec le lien :
https://drive.google.com/file/d/1PG5Qel7qI5wp9k05SpLSptZNu9buQCnH/view?usp=sharing
Le Saint Pilon
C'est une énorme masse rocheuse qui domine à 442 m.
Le Rastel d'Agay
Coincé entre deux failles E-O, il se présente comme une longue barre ( point le plus haut à 287m), formée principalement par la coulée A5, recouverte ponctuellement à l'ouest par la coulée A7.
Les sommets intérieurs
Les Perthus
Les Perthus sont constitués de formations détritiques correspondant à une "pause" volcanique après la coulée A2, recouverts en grande partie par la coulée de rhyolite A5.
La barre du Roussiveau
Orientée E-O, elle se détache à proximité NO du Perthus Occidental, à 281m d'altitude.
Lors d'une belle journée de 2016, Jean Bo avait mené un grand groupe de randonneurs à Sainte Marguerite.
La vue sur l'Estérel était superbe.
Mais quel est le petit sommet asymétrique qui n'est pas décrit, entre les Grosses Grues et les Suvières ? La solution a été donnée supra...
Vous pouvez aussi donner votre réponse en laissant un commentaire, comme expliqué par Jean-Marie dans son blog du 5 novembre.... Le gagnant sera tiré au sort...
Merci aux animateurs qui nous font découvrir ce beau massif. Merci à Alain et Jack pour leur aide dans l'identification des vues. Et merci aux photographes qui illustrent nos blogs et qui pourront reconnaitre leurs clichés.